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Jeanne Cherhal - Voilà
- 2
Jeanne Cherhal - Avec des si
- 3
Jeanne Cherhal - Le petit voisin
- 4
Jeanne Cherhal - Le Tissu
- 5
Jeanne Cherhal - 17 Ans
- 6
Jeanne Cherhal - C'est Beau La Vie
- 7
Jeanne Cherhal - Ça Sent Le Sapin
- 8
Jeanne Cherhal - Ce Soir
- 9
Jeanne Cherhal - Certains Animaux
- 10
Jeanne Cherhal - DONGES
- 11
Jeanne Cherhal - Douze Fois Par An
- 12
Jeanne Cherhal - Je voudrais dormir
- 13
Jeanne Cherhal - L'homme
- 14
Jeanne Cherhal - La Famille
- 15
Jeanne Cherhal - La Station
- 16
Jeanne Cherhal - La valse des étiquettes (Le soldat Rose)
- 17
Jeanne Cherhal - Les Berceaux Brodes
- 18
Jeanne Cherhal - Les Bistros Les Bastringues
- 19
Jeanne Cherhal - LES CHIENS DE FAïENCE
- 20
Jeanne Cherhal - Les Photos de Mariage
- 21
Jeanne Cherhal - Lorsque Tu M'as
- 22
Jeanne Cherhal - Ma vie en l'air
- 23
Jeanne Cherhal - Madame Suzie
- 24
Jeanne Cherhal - Mes Problemes de Relation
- 25
Jeanne Cherhal - Mon Corps Est Une Cage
- 26
Jeanne Cherhal - NE T'INQUIèTE DE RIEN
- 27
Jeanne Cherhal - On N'est Pas Là Pour Se Faire Engueuler
- 28
Jeanne Cherhal - Parfait Inconnu
- 29
Jeanne Cherhal - Quand on est très amoureux
- 30
Jeanne Cherhal - Qui Me Vengera
- 31
Jeanne Cherhal - Roberto
- 32
Jeanne Cherhal - Rural
- 33
Jeanne Cherhal - Sad Love Song
- 34
Jeanne Cherhal - Sans titre
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Jeanne Cherhal - Super 8
- 36
Jeanne Cherhal - Un Couple Normal
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Jeanne Cherhal - Un Trait: Danger
La Station
Jeanne Cherhal
Quand dans la R9 blanche
De papa nous allions visiter la station.
En famille on partait,
Mais jamais il n'avouait
Que c'était la station
La vraie destination.
Pour ce genre d'aventure
Il faut une couverture,
Une balade officielle
Un peu plus consensuelle.
Un but pédagogique,
Un prétexte classique.
Une simple sortie de fin d'après-midi.
Marcher en contournant l'hippodrome ou l'étang,
Dire bonjour à grand-père dans l'allée du cimetière.
Alors on y allait comme si de rien n'était,
Et puis sur le retour on faisait le détour.
Mieux que le vent d'été,
Que les embruns salés,
Mieux que l'herbe coupée,
O effluve adoré de la station d'épuration.
Pour vérifier une vanne,
Pour constater une panne
Ou par pure précaution,
Tout mobile était bon
Même après dix-neuf heures.
Même le jour du seigneur,
Aller à la station c'était sa dévotion.
Alors je jubilais.
Car avec lui, j'entrais
Dans l'inquiétant palais
Dont il avait les clefs.
Devant les eaux stagnantes
Je me sentais vivante,
Dans l'odeur de moisi
Je me trouvais jolie.
Je n'allais pas, enfant,
Regarder l'océan
Pour dans l'azur me perdre,
Mais au bord de la merde.
Et sachez qu'en hiver,
Inhaler au grand air
Le ventre de la terre,
On dirait du Baudelaire.
Mieux que le vent d'été,
Que les embruns salés,
Mieux que l'herbe coupée,
O effluve adoré de la station d'épuration.
Depuis ces heureux jours,
Je nourris un amour
Pur et immodéré
Pour les éviers bouchés,
Les restes de savon
Qui engluent les siphons,
Les cheveux par poignées
Qui obstruent les bidets.
J'ai acquis la passion
Des canalisations.
Rien à mon coeur ne vaut
La vue d'un château d'eau.
Quand d'autres ont le dégoût
Des remontées d'égouts,
Je n'aime rien tant que
Leur doux parfum aqueux.
Qu'un lavabo douteux
Se présente à mes yeux,
Qu'une baignoire inonde
Le sol d'une eau immonde,
J'ai la ventouse au poing
Et la technique au point.
Intensément, j'aspire.
On dirait du Shakespeare.
Mieux que le vent d'été,
Que les embruns salés,
Mieux que l'herbe coupée,
O effluve adoré de la station d'épuration.