Mab, reine des mensonges, Préside aux songes; Plus légère que le vent décevant; À travers l'espace, à travers la nuit, Elle passe, elle fuit! Son char, que l'atome rapide Entraine dans l'éther limpide, Fut fait d'une noisette vide Par ver de terre le charron! Les harnais, subtile dentelle, Ont été coup´dans l'aile De quelque verte sauterelle Par son cocher le moucheron! Un os de grillon sert de manche À son fouet dont la mèche blanche Est prise au rayon qui s'épanche De Phoebé rassemblant sa cour! Chaque nuit dans cette equipage Mab visite, sur son passage, L'époux qui rêve de veuvage Et l'amant qui rêve d'amour! A son approche la coquette Rêve d'atour et de toilette, Le courtisan fait la courbette, Le poète rime ses vers! À l'avare, en son gîte sombre, Elle ouvre ses trésors sans nombre, Et la liberté rit dans l'ombre Au prisonnier chargé de fers. Le soldat rêve d'embuscades, De batailles et d'estocades Elle lui verse les rasades Dont ses lauriers sont arrosés. Et toi qu'un soupir effarouche Quand tu reposes sur ta couche, O vierge! elle effleure ta bouche Et te fait rêver de baisers!