- 1
Charles Gounod - Ave Maria
- 2
Charles Gounod - Je Veux Vivre
- 3
Charles Gounod - Ah! Lève-toi, Soleil!
- 4
Charles Gounod - Ópera Romeo Et Juliette - Ouverture - Prologue
- 5
Charles Gounod - Que Fais-tu, Blanche Tourterelle?
- 6
Charles Gounod - Amour Ranime Mon Courage
- 7
Charles Gounod - Ah! Je Ris de Me Voir Si Belle
- 8
Charles Gounod - Ópera Romeo et Juliette - Cinquième Acte
- 9
Charles Gounod - Ópera Romeo et Juliette - Deuxième Acte
- 10
Charles Gounod - Allons! Jeunes Gens!
- 11
Charles Gounod - Mad, La Rene Des Mensonges
- 12
Charles Gounod - Ópera Romeo et Juliette - Quatrième Acte
- 13
Charles Gounod - Ópera Romeo et Juliette - Premier Acte
- 14
Charles Gounod - Ópera Romeo et Juliette - Troisième Acte
- 15
Charles Gounod - Seigneur, Daignez Permettre
Ópera Romeo et Juliette - Premier Acte
Charles Gounod
(Le bal des Capulets
Un galerie splendide illuminée,
chez les Capulets. Seigneurs et
dames en dominos et masqués)
CHOEUR
L'heure s'envole
Joyeuse et folle,
Au passage il faut la saisir,
Cueillons les roses
Pour nous écloses
Dans la joie et dans le plaisir.
(Les hommes)
Choeur fantasque
Des amours
Sous le masque
De velours,
Ton empire
Nous attire
D'un sourire,
D'un regard!
Et complice
Le coeur glisse
Au caprice
Du hasard!
(Les femmes)
Nuit d'ivresse!
Folle nuit!
L'on nous presse,
L'on nous suit!
Le moins tendre
Va se rendre
Et se prendre
Dans nos rêts!
De la belle
Qui l'appelle,
Tout révèle
Les attraits!
(Tous)
L'heure s'envole, etc.
(Tybalt et Pâris entrent en scène,
leur masque à la main.)
TYBALT
Eh! Bien? cher Pâris! que vous semble
De la fête des Capulets?
PÂRIS
Richesse et beauté tout ensemble
Sont les hôtes de ce palais!
TYBALT
Vous n'en voyez pas la merveille,
Le trésor unique et sans prix,
Qu'on destine à l'heureux Pâris.
PÂRIS
Si, mon coeur encore sommeille,
Le moment est proche où l'amour
Viendra l'éveiller à son tour.
TYBALT
(souriant)
Il s'éveillera, il s'éveillera, je l'espère!
Regardez! regardez! la voici conduite par son père.
(Capulet entre en scène conduisant
Juliette par la main. À sa vue
tout le monde se démasque.)
CAPULET
Soyez la bienvenue, amis, dans ma maison!
À cette fête de la famille,
La joie est de saison!
Pareil jour vit naître ma fille!
Mon coeur bat de plaisir encore en y songeant!
Mais excusez ma tendresse indiscrète
(présentant Juliette)
Voici ma Juliette!
Accueillez-la d'un regard indulgent.
LES HOMMES
(avec admiration)
Ah! qu'elle est belle! Ah! qu'elle est belle!
On dirait une fleur nouvelle
Qui s'épanouit au matin.
LES FEMMES
Ah! quelle est belle! Ah! quelle est belle!
Elle semble porter en elle
Toutes les faveurs du destin.
TOUS
Ah! qu'elle est belle! Ah! quelle est belle!
(On entend le prélude d'un air de danse.)
JULIETTE
Écoutez! écoutez!
C'est le son des instruments joyeux
Qui nous appelle et nous convie!
Ah! Tout un monde enchanté semble naître
à mes yeux!
Tout me fête et m'enivre!
Et mon âme ravie
S'élance dans la vie
Comme l'oiseau s'envole aux cieux!
CAPULET
Allons! jeunes gens!
Allons! belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtez la jeunesse,
Et place aux danseurs!
Qui reste à sa place
Et ne danse pas,
De quelque disgrâce
Fait l'aveu tout bas!
Ô, regret extrême!
Quand j'étais moins vieux,
Je guidais moi même
Vos ébats joyeux!
Les douces paroles
Ne me coûtaient rien!
Que d'aveux frivoles
Dont je me souviens!
Ô folles années
Qu'emporte le temps!
Ô fleurs du printemps
À jadis fanées!
Allons! jeunes gens, etc.
Nargue! nargue des censeurs, etc.
CHOEUR
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
(Tout le monde s'éloigne
et circule dans les galeries voisines.
Juliette sort au bras de Pâris,
Capulet et Tybalt les suivant en causant.
Roméo et Mercutio paraissent avec leurs amis.)
MERCUTIO
Enfin la place est libre, amis!
Pour un instant qu'il soit permis d'ôter son masque.
ROMÉO
Non, non, vous l'avez promis!
Soyons prudents! Ici nul ne doit nous connaître!
Quittons cette maison sans en braver le maître.
MERCUTIO
Bah! si les Capulets sont gens à se fâcher,
C'est lâcheté de nous cacher,
(frappant son épée)
Car nous avons tous là de quoi leur tenir tête!
MERCUTIO ET CHOEUR
Car nous avons tous là de quoi leur tenir tête!
ROMÉO
Mieux eût valu, ne pas nous mêler à la fête!
MERCUTIO
Pourquoi?
ROMÉO
(mystérieusement)
J'ai fait un rêve!
MERCUTIO
(avec un frayeur comique)
Ô présage alarmant!
La reine Mab t'a visité!
ROMÉO
(étonné)
Comment?
MERCUTIO
Mab, la reine des mensonges,
Préside aux songes.
Plus légère que le vent
Décevant,
À travers l'espace,
À travers la nuit,
Elle passe,
Elle fuit!
Son char, que l'atôme rapide
Entraîne dans l'éther limpide,
Fut fait d'une noisette vide
Par ver de terre, le charron!
Les harnais, subtile dentelle,
Ont été découpés dans l'aile
De quelque verte sauterelle
Par son cocher, le moucheron!
Un os de grillon sert de manche
À son fouet, dont la mèche blanche
Est prise au rayon qui s'épanche
De Phbé rassemblant sa cour.
Chaque nuit, dans cet équipage,
Mab visite, sur son passage,
L'époux qui rêve de veuvage
Et l'amant qui rêve d'amour!
À son approche, la coquette
Rêve d'atours et de toilette,
Le courtisan fait la courbette,
Le poète rime ses vers!
À l'avare en son gîte sombre,
Elle ouvre des trésors sans nombre,
Et la liberté rit dans l'ombre
Au prisonnier chargé de fers.
Le soldat rêve d'embuscades,
De batailles et d'estocades,
Elle lui verse les rasades
Dont ses lauriers sont arrosés.
Et toi qu'un soupir effarouche,
Quand tu reposes sur ta couche,
Ô vierge! elle effleure ta bouche
Et te fait rêver de baisers!
Mab, la reine des mensonges, etc.
ROMÉO
Eh bien!... que l'avertissement
Me vienne de Mab ou d'un autre,
Sous ce toit qui n'est point le nôtre
Je me sens attristé d'un noir pressentiment!
MERCUTIO
(en badinant)
Ta tristesse, je le devine,
Est de ne point trouver ici ta Rosaline;
Cent autres dans le bal te feront oublier
Ton fol amour d'écolier!
Viens!
ROMÉO
(regarde au dehors)
Ah! voyez!
MERCUTIO
Qu'est-ce donc?
ROMÉO
Cette beauté céleste
Qui semble un rayon dans la nuit!
MERCUTIO
Le porte-respect qui la suit
Est d'une beauté plus modeste!
ROMÉO
(avec passion)
Ô trésor digne des cieux!
Quelle clarté soudaine a dessillé mes yeux!
Je ne connaissais pas la beauté véritable!
Ai-je aimé jusqu'ici? ai-je aimé?
MERCUTIO
(en riant, à Benvolio et aux autres jeunes gens)
Bon! voilà Rosaline au diable!
Et nous avons prévu ceci!
AMIS DE ROMÉO
Nous avons prévu ceci!
MERCUTIO
On la congédie
Sans plus de souci,
Et la comédie
Se termine ainsi!
(Mercutio entraîne Roméo, en moment
où paraît Juliette suivie de Gertrude.)
JULIETTE
Voyons, nourrice, on m'attend, parle vite!
GERTRUDE
Respirez un moment!
(avec malice)
Est-ce moi qu'on évite,
Ou le comte Pâris que l'on cherche?
JULIETTE
(négligemment)
Pâris?
GERTRUDE
Vous aurez là, dit-on, la perle des maris.
JULIETTE
(riant)
Ah! ah!
Je songe bien vraiment au mariage!
GERTRUDE
Par ma vertu! j'étais mariée à votre âge!
JULIETTE
Non! non! je ne veux pas t'écouter plus longtemps!
Laisse mon âme à son printemps!
Ah!
Je veux vivre
Dans ce rêve qui m'enivre;
Ce jour encore,
Douce flamme,
Je te garde dans mon âme
Comme un trésor!
Cette ivresse
De jeunesse
Ne dure, hélas! qu'un jour!
Puis vient l'heure
Où l'on pleure,
Le coeur cède à l'amour,
Et le bonheur fuit sans retour.
Je veux vivre, etc
Loin de l'hiver morose
Laisse-moi sommeiller
Et respirer la rose
Avant de l'effeuiller.
Ah!
Douce flamme,
Reste dans mon âme
Comme un doux trésor
Longtemps encore!
(Grégoire paraît au fond et se
remontre avec Roméo.)
ROMÉO
(à Grégoire, en lui montrant Juliette)
Le nom de cette belle enfant?
GRÉGOIRE
Vous l'ignorez?
C'est Gertrude.
GERTRUDE
(se retournant)
Plaît-il?
GRÉGOIRE
(à Gertrude)
Très gracieuse dame!
Pour les soins du souper
Je crois qu'on vous réclame.
GERTRUDE
(avec impatience)
C'est bien! Me voici!
JULIETTE
Va!
(Gertrude sort avec Grégoire. Roméo arrête
Juliette au moment où elle va sortir.)
ROMÉO
De grâce, demeurez!
Ange adorable,
Ma main coupable
Profane, en l'osant toucher,
La main divine
Dont j'imagine
Que nul n'a droit d'approcher!
Voilà, je pense,
La pénitence
Qu'il convient de m'imposer,
C'est que j'efface
L'indigne trace
De ma main par un baiser!
JULIETTE
Calmez vos craintes!
À ces étreintes
Du pèlerin prosterné
Les saintes même,
Pourvu qu'il aime,
Ont d'avance pardonné.
(Elle retire sa main.)
Mais à sa bouche
La main qu'il touche
Prudemment doit refuser
Cette caresse
Enchanteresse
Qu'il implore en un baiser!
ROMÉO
Les saintes ont pourtant une bouche vermeille...
JULIETTE
Pour prier seulement!
ROMÉO
N'entendent-elles pas la voix, qui leur conseille
Un arrêt plus clément?
JULIETTE
Aux prières d'amour leur coeur reste insensible,
Même en les exauçant!
ROMÉO
Exaucez donc mes vues et gardez impassible
Votre front rougissant!
(Il baise la main de Juliette.)
JULIETTE
(souriant)
Ah! je n'ai pu m'en défendre!
J'ai pris le péché pour moi!
ROMÉO
Pour apaiser votre émoi!
Vous plaît-il de me le rendre?
JULIETTE
Non! je l'ai pris! laissez-moi!
ROMÉO
Vous l'avez pris, rendez-le-moi!
Quelqu'un!
(Il remet son masque.)
JULIETTE
C'est mon cousin Tybalt!
ROMÉO
Eh! quoi! vous êtes!
JULIETTE
La fille du seigneur Capulet!
ROMÉO
(à part)
Dieu!
TYBALT
(s'avançant)
Pardon!
Cousine! ...nos amis déserteront nos fêtes
Si vous fuyez ainsi leurs regards!
Venez donc! venez donc!
(doucement)
Quel est ce beau galant qui s'est masqué si vite
En me voyant venir?
JULIETTE
Je ne sais!
TYBALT
(avec défiance)
On dirait qu'il m'évite!
ROMÉO
Dieu vous garde, seigneur!
(Il sort.)
TYBALT
Ah! je le reconnais à sa voix! ... à ma haine!
C'est lui! c'est Roméo!
JULIETTE
(avec effroi)
Roméo!
TYBALT
Sur l'honneur!
Je punirai le traître et sa mort est certaine!
(Il sort)
JULIETTE
(avec horreur)
C'était Roméo!
(absorbé et le regard fixe)
Ah! je l'ai vu trop tôt sans le connaître!
La haine est le berceau de cet amour fatal!
C'en est fait! si je ne puis être à lui,
Que le cercueil soit mon lit nuptial!
(Elle s'éloigne lentement: les invités reparaissent.
Tybalt entre d'un côté avec Pâris. Roméo,
Mercutio, Benvolio et leurs amis masqués
entrent de l'autre.)
TYBALT
(apercevant Roméo)
Le voici! le voici!
PÂRIS
(abordant Tybalt)
Qu'est-ce donc?
TYBALT
(lui montrant Roméo)
Roméo!
PÂRIS
Roméo!
(Tybalt va pour s'élancer vers le groupe;
Capulet, d'un geste impérieux,
lui impose silence.)
ROMÉO
(à part)
Mon nom même
Est un crime à ses yeux!
Ô douleur! ô douleur!
Capulet est son père et je l'aime!
MERCUTIO
(à Roméo)
Voyez! voyez de quel air furieux
Tybalt nous regarde!
Un orage est dans l'air . . .
TYBALT
Je tremble de rage!
CAPULET
(à ses invités)
Quoi! partez-vous déjà? demeurez un instant!
Un souper joyeux vous attend!
TYBALT
Patience! patience!
De cette mortelle offense
Roméo, j'en fais serment,
Subira le châtiment!
MERCUTIO
On nous observe, silence!
Il faut user de prudence!
N'attendons pas follement
Un funeste événement.
CAPULET
(à ses invités)
Que la fête recommence!
Que l'on boive et que l'on danse!
Autrefois, j'en fais serment,
Nous dansions plus vaillament!
Nous dansions, etc.
CHOEUR
Que la fête recommence!
Que l'on boive et que l'on danse!
Le plaisir n'a qu'un moment!
Terminons la nuit gaiement!
E plaisir etc.
TYBALT
Il nous échappe! qui veut le suivre?
Je le frappe de mon gant au visage!
CAPULET
Et moi, je ne veux pas d'esclandre! tu m'entends?
Laisse en paix ce jeune homme!
Il me plaît d'ignorer de quel nom il se nomme!
Je te défends de faire un pas!
Allons! jeunes gens!
Allons! belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
CHOEUR
Nargue! nargue des buveurs,
Qui craignent l'ivresse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
(Mercutio entraîne Roméo;
ils sont suivis de Benvolio et de leurs amis.)
Un galerie splendide illuminée,
chez les Capulets. Seigneurs et
dames en dominos et masqués)
CHOEUR
L'heure s'envole
Joyeuse et folle,
Au passage il faut la saisir,
Cueillons les roses
Pour nous écloses
Dans la joie et dans le plaisir.
(Les hommes)
Choeur fantasque
Des amours
Sous le masque
De velours,
Ton empire
Nous attire
D'un sourire,
D'un regard!
Et complice
Le coeur glisse
Au caprice
Du hasard!
(Les femmes)
Nuit d'ivresse!
Folle nuit!
L'on nous presse,
L'on nous suit!
Le moins tendre
Va se rendre
Et se prendre
Dans nos rêts!
De la belle
Qui l'appelle,
Tout révèle
Les attraits!
(Tous)
L'heure s'envole, etc.
(Tybalt et Pâris entrent en scène,
leur masque à la main.)
TYBALT
Eh! Bien? cher Pâris! que vous semble
De la fête des Capulets?
PÂRIS
Richesse et beauté tout ensemble
Sont les hôtes de ce palais!
TYBALT
Vous n'en voyez pas la merveille,
Le trésor unique et sans prix,
Qu'on destine à l'heureux Pâris.
PÂRIS
Si, mon coeur encore sommeille,
Le moment est proche où l'amour
Viendra l'éveiller à son tour.
TYBALT
(souriant)
Il s'éveillera, il s'éveillera, je l'espère!
Regardez! regardez! la voici conduite par son père.
(Capulet entre en scène conduisant
Juliette par la main. À sa vue
tout le monde se démasque.)
CAPULET
Soyez la bienvenue, amis, dans ma maison!
À cette fête de la famille,
La joie est de saison!
Pareil jour vit naître ma fille!
Mon coeur bat de plaisir encore en y songeant!
Mais excusez ma tendresse indiscrète
(présentant Juliette)
Voici ma Juliette!
Accueillez-la d'un regard indulgent.
LES HOMMES
(avec admiration)
Ah! qu'elle est belle! Ah! qu'elle est belle!
On dirait une fleur nouvelle
Qui s'épanouit au matin.
LES FEMMES
Ah! quelle est belle! Ah! quelle est belle!
Elle semble porter en elle
Toutes les faveurs du destin.
TOUS
Ah! qu'elle est belle! Ah! quelle est belle!
(On entend le prélude d'un air de danse.)
JULIETTE
Écoutez! écoutez!
C'est le son des instruments joyeux
Qui nous appelle et nous convie!
Ah! Tout un monde enchanté semble naître
à mes yeux!
Tout me fête et m'enivre!
Et mon âme ravie
S'élance dans la vie
Comme l'oiseau s'envole aux cieux!
CAPULET
Allons! jeunes gens!
Allons! belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtez la jeunesse,
Et place aux danseurs!
Qui reste à sa place
Et ne danse pas,
De quelque disgrâce
Fait l'aveu tout bas!
Ô, regret extrême!
Quand j'étais moins vieux,
Je guidais moi même
Vos ébats joyeux!
Les douces paroles
Ne me coûtaient rien!
Que d'aveux frivoles
Dont je me souviens!
Ô folles années
Qu'emporte le temps!
Ô fleurs du printemps
À jadis fanées!
Allons! jeunes gens, etc.
Nargue! nargue des censeurs, etc.
CHOEUR
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
(Tout le monde s'éloigne
et circule dans les galeries voisines.
Juliette sort au bras de Pâris,
Capulet et Tybalt les suivant en causant.
Roméo et Mercutio paraissent avec leurs amis.)
MERCUTIO
Enfin la place est libre, amis!
Pour un instant qu'il soit permis d'ôter son masque.
ROMÉO
Non, non, vous l'avez promis!
Soyons prudents! Ici nul ne doit nous connaître!
Quittons cette maison sans en braver le maître.
MERCUTIO
Bah! si les Capulets sont gens à se fâcher,
C'est lâcheté de nous cacher,
(frappant son épée)
Car nous avons tous là de quoi leur tenir tête!
MERCUTIO ET CHOEUR
Car nous avons tous là de quoi leur tenir tête!
ROMÉO
Mieux eût valu, ne pas nous mêler à la fête!
MERCUTIO
Pourquoi?
ROMÉO
(mystérieusement)
J'ai fait un rêve!
MERCUTIO
(avec un frayeur comique)
Ô présage alarmant!
La reine Mab t'a visité!
ROMÉO
(étonné)
Comment?
MERCUTIO
Mab, la reine des mensonges,
Préside aux songes.
Plus légère que le vent
Décevant,
À travers l'espace,
À travers la nuit,
Elle passe,
Elle fuit!
Son char, que l'atôme rapide
Entraîne dans l'éther limpide,
Fut fait d'une noisette vide
Par ver de terre, le charron!
Les harnais, subtile dentelle,
Ont été découpés dans l'aile
De quelque verte sauterelle
Par son cocher, le moucheron!
Un os de grillon sert de manche
À son fouet, dont la mèche blanche
Est prise au rayon qui s'épanche
De Phbé rassemblant sa cour.
Chaque nuit, dans cet équipage,
Mab visite, sur son passage,
L'époux qui rêve de veuvage
Et l'amant qui rêve d'amour!
À son approche, la coquette
Rêve d'atours et de toilette,
Le courtisan fait la courbette,
Le poète rime ses vers!
À l'avare en son gîte sombre,
Elle ouvre des trésors sans nombre,
Et la liberté rit dans l'ombre
Au prisonnier chargé de fers.
Le soldat rêve d'embuscades,
De batailles et d'estocades,
Elle lui verse les rasades
Dont ses lauriers sont arrosés.
Et toi qu'un soupir effarouche,
Quand tu reposes sur ta couche,
Ô vierge! elle effleure ta bouche
Et te fait rêver de baisers!
Mab, la reine des mensonges, etc.
ROMÉO
Eh bien!... que l'avertissement
Me vienne de Mab ou d'un autre,
Sous ce toit qui n'est point le nôtre
Je me sens attristé d'un noir pressentiment!
MERCUTIO
(en badinant)
Ta tristesse, je le devine,
Est de ne point trouver ici ta Rosaline;
Cent autres dans le bal te feront oublier
Ton fol amour d'écolier!
Viens!
ROMÉO
(regarde au dehors)
Ah! voyez!
MERCUTIO
Qu'est-ce donc?
ROMÉO
Cette beauté céleste
Qui semble un rayon dans la nuit!
MERCUTIO
Le porte-respect qui la suit
Est d'une beauté plus modeste!
ROMÉO
(avec passion)
Ô trésor digne des cieux!
Quelle clarté soudaine a dessillé mes yeux!
Je ne connaissais pas la beauté véritable!
Ai-je aimé jusqu'ici? ai-je aimé?
MERCUTIO
(en riant, à Benvolio et aux autres jeunes gens)
Bon! voilà Rosaline au diable!
Et nous avons prévu ceci!
AMIS DE ROMÉO
Nous avons prévu ceci!
MERCUTIO
On la congédie
Sans plus de souci,
Et la comédie
Se termine ainsi!
(Mercutio entraîne Roméo, en moment
où paraît Juliette suivie de Gertrude.)
JULIETTE
Voyons, nourrice, on m'attend, parle vite!
GERTRUDE
Respirez un moment!
(avec malice)
Est-ce moi qu'on évite,
Ou le comte Pâris que l'on cherche?
JULIETTE
(négligemment)
Pâris?
GERTRUDE
Vous aurez là, dit-on, la perle des maris.
JULIETTE
(riant)
Ah! ah!
Je songe bien vraiment au mariage!
GERTRUDE
Par ma vertu! j'étais mariée à votre âge!
JULIETTE
Non! non! je ne veux pas t'écouter plus longtemps!
Laisse mon âme à son printemps!
Ah!
Je veux vivre
Dans ce rêve qui m'enivre;
Ce jour encore,
Douce flamme,
Je te garde dans mon âme
Comme un trésor!
Cette ivresse
De jeunesse
Ne dure, hélas! qu'un jour!
Puis vient l'heure
Où l'on pleure,
Le coeur cède à l'amour,
Et le bonheur fuit sans retour.
Je veux vivre, etc
Loin de l'hiver morose
Laisse-moi sommeiller
Et respirer la rose
Avant de l'effeuiller.
Ah!
Douce flamme,
Reste dans mon âme
Comme un doux trésor
Longtemps encore!
(Grégoire paraît au fond et se
remontre avec Roméo.)
ROMÉO
(à Grégoire, en lui montrant Juliette)
Le nom de cette belle enfant?
GRÉGOIRE
Vous l'ignorez?
C'est Gertrude.
GERTRUDE
(se retournant)
Plaît-il?
GRÉGOIRE
(à Gertrude)
Très gracieuse dame!
Pour les soins du souper
Je crois qu'on vous réclame.
GERTRUDE
(avec impatience)
C'est bien! Me voici!
JULIETTE
Va!
(Gertrude sort avec Grégoire. Roméo arrête
Juliette au moment où elle va sortir.)
ROMÉO
De grâce, demeurez!
Ange adorable,
Ma main coupable
Profane, en l'osant toucher,
La main divine
Dont j'imagine
Que nul n'a droit d'approcher!
Voilà, je pense,
La pénitence
Qu'il convient de m'imposer,
C'est que j'efface
L'indigne trace
De ma main par un baiser!
JULIETTE
Calmez vos craintes!
À ces étreintes
Du pèlerin prosterné
Les saintes même,
Pourvu qu'il aime,
Ont d'avance pardonné.
(Elle retire sa main.)
Mais à sa bouche
La main qu'il touche
Prudemment doit refuser
Cette caresse
Enchanteresse
Qu'il implore en un baiser!
ROMÉO
Les saintes ont pourtant une bouche vermeille...
JULIETTE
Pour prier seulement!
ROMÉO
N'entendent-elles pas la voix, qui leur conseille
Un arrêt plus clément?
JULIETTE
Aux prières d'amour leur coeur reste insensible,
Même en les exauçant!
ROMÉO
Exaucez donc mes vues et gardez impassible
Votre front rougissant!
(Il baise la main de Juliette.)
JULIETTE
(souriant)
Ah! je n'ai pu m'en défendre!
J'ai pris le péché pour moi!
ROMÉO
Pour apaiser votre émoi!
Vous plaît-il de me le rendre?
JULIETTE
Non! je l'ai pris! laissez-moi!
ROMÉO
Vous l'avez pris, rendez-le-moi!
Quelqu'un!
(Il remet son masque.)
JULIETTE
C'est mon cousin Tybalt!
ROMÉO
Eh! quoi! vous êtes!
JULIETTE
La fille du seigneur Capulet!
ROMÉO
(à part)
Dieu!
TYBALT
(s'avançant)
Pardon!
Cousine! ...nos amis déserteront nos fêtes
Si vous fuyez ainsi leurs regards!
Venez donc! venez donc!
(doucement)
Quel est ce beau galant qui s'est masqué si vite
En me voyant venir?
JULIETTE
Je ne sais!
TYBALT
(avec défiance)
On dirait qu'il m'évite!
ROMÉO
Dieu vous garde, seigneur!
(Il sort.)
TYBALT
Ah! je le reconnais à sa voix! ... à ma haine!
C'est lui! c'est Roméo!
JULIETTE
(avec effroi)
Roméo!
TYBALT
Sur l'honneur!
Je punirai le traître et sa mort est certaine!
(Il sort)
JULIETTE
(avec horreur)
C'était Roméo!
(absorbé et le regard fixe)
Ah! je l'ai vu trop tôt sans le connaître!
La haine est le berceau de cet amour fatal!
C'en est fait! si je ne puis être à lui,
Que le cercueil soit mon lit nuptial!
(Elle s'éloigne lentement: les invités reparaissent.
Tybalt entre d'un côté avec Pâris. Roméo,
Mercutio, Benvolio et leurs amis masqués
entrent de l'autre.)
TYBALT
(apercevant Roméo)
Le voici! le voici!
PÂRIS
(abordant Tybalt)
Qu'est-ce donc?
TYBALT
(lui montrant Roméo)
Roméo!
PÂRIS
Roméo!
(Tybalt va pour s'élancer vers le groupe;
Capulet, d'un geste impérieux,
lui impose silence.)
ROMÉO
(à part)
Mon nom même
Est un crime à ses yeux!
Ô douleur! ô douleur!
Capulet est son père et je l'aime!
MERCUTIO
(à Roméo)
Voyez! voyez de quel air furieux
Tybalt nous regarde!
Un orage est dans l'air . . .
TYBALT
Je tremble de rage!
CAPULET
(à ses invités)
Quoi! partez-vous déjà? demeurez un instant!
Un souper joyeux vous attend!
TYBALT
Patience! patience!
De cette mortelle offense
Roméo, j'en fais serment,
Subira le châtiment!
MERCUTIO
On nous observe, silence!
Il faut user de prudence!
N'attendons pas follement
Un funeste événement.
CAPULET
(à ses invités)
Que la fête recommence!
Que l'on boive et que l'on danse!
Autrefois, j'en fais serment,
Nous dansions plus vaillament!
Nous dansions, etc.
CHOEUR
Que la fête recommence!
Que l'on boive et que l'on danse!
Le plaisir n'a qu'un moment!
Terminons la nuit gaiement!
E plaisir etc.
TYBALT
Il nous échappe! qui veut le suivre?
Je le frappe de mon gant au visage!
CAPULET
Et moi, je ne veux pas d'esclandre! tu m'entends?
Laisse en paix ce jeune homme!
Il me plaît d'ignorer de quel nom il se nomme!
Je te défends de faire un pas!
Allons! jeunes gens!
Allons! belles dames!
Aux plus diligents
Ces yeux pleins de flammes!
Nargue! nargue des censeurs,
Qui grondent sans cesse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
CHOEUR
Nargue! nargue des buveurs,
Qui craignent l'ivresse!
Fêtons la jeunesse,
Et place aux danseurs!
(Mercutio entraîne Roméo;
ils sont suivis de Benvolio et de leurs amis.)